Capteurs quantiques

L’intérêt croissant pour les matériaux confinés quantiquement s’explique par leur capacité à exploiter les effets quantiques à l’échelle nanométrique, ouvrant la voie à une nouvelle génération de capteurs extrêmement sensibles et performants. Dans ces matériaux, les porteurs de charge, tels que les électrons et les trous, sont restreints dans des dimensions comparables à leur longueur d’onde de de Broglie, créant des états quantifiés qui modifient radicalement leurs propriétés optiques et électroniques. Ce confinement quantique permet un contrôle précis de la bande interdite, de l’absorption et de l’émission de lumière, ainsi que des interactions fondamentales entre les spins, les porteurs de charge et le réseau cristallin. Ces caractéristiques sont essentielles pour développer des capteurs capables de détecter des signaux faibles avec une résolution spatiale et temporelle inégalée.

Pour étudier et exploiter ces matériaux confinés quantiquement, la spectroscopie ultrarapide est un outil essentiel. Cette technique permet de suivre en temps réel la dynamique des porteurs de charge et des spins, sur des échelles de temps extrêmement courtes, de l’ordre de la femtoseconde. En sondant les transitions électroniques et les interactions dans ces matériaux, la spectroscopie ultrarapide révèle des informations cruciales sur les mécanismes fondamentaux qui régissent leur comportement, tels que la recombinaison des paires électron-trou, les processus de relaxation énergétique, ou encore les effets de couplage spin-orbite. Ces connaissances sont indispensables pour optimiser les performances des capteurs quantiques et pour concevoir de nouveaux dispositifs plus efficaces.

Parmi les matériaux confinés quantiquement, les boîtes quantiques de HgTe (tellurure de mercure) et les centres NV (nitrogen-vacancy) dans le diamant sont particulièrement prometteurs pour le développement de capteurs quantiques. Les boîtes quantiques de HgTe, utilisées dans les LED et les capteurs infrarouges, se distinguent par leur efficacité quantique élevée et leur capacité à ajuster la bande interdite en fonction de la taille et de la composition des boîtes. Ces caractéristiques permettent de concevoir des dispositifs infrarouges de haute performance pour des applications variées telles que la détection à distance, l’imagerie médicale et les télécommunications, en optimisant les transitions électroniques dans l’infrarouge moyen et lointain. Leur intégration dans des dispositifs à semi-conducteurs promet également de nouveaux capteurs infrarouges ultrasensibles, capables de fonctionner à température ambiante et de détecter avec précision des signaux faibles.

D’autre part, les centres NV dans le diamant constituent une plate-forme unique pour la magnétométrie quantique. Ces défauts ponctuels, formés par une vacance de carbone à proximité d’un atome d’azote, présentent une interaction spin-orbite qui peut être manipulée par des champs optiques et magnétiques, permettant une détection ultra-sensible des champs magnétiques à l’échelle nanométrique. La robustesse de ces centres NV à température ambiante et leur réponse optique dans le domaine visible les rendent particulièrement intéressants pour des applications variées, allant de la détection de signaux biologiques faibles à la caractérisation des matériaux quantiques et des dispositifs électroniques avancés.

En combinant le confinement quantique et la spectroscopie ultrarapide, notre recherche vise à approfondir la compréhension de ces matériaux innovants, à maximiser leurs performances pour les applications en détection et en imagerie, et à repousser les limites actuelles des capteurs quantiques.

Figure 3 : Dynamique électronique dans les boîtes quantiques de HgTe.
Figure 4 : Photoluminescence d'un diamant à centres NV.

Références

– J. Qu, M. Weis, E. Izquierdo, S. G. Mizrahi, A. Chu, C. Dabard, C. Gréboval, E. Bossavit, Y. Prado, E. Péronne, S. Ithurria, G. Patriarche, M. G. Silly, G. Vincent, D. Boschetto, E. Lhuillier, « Electroluminescence from Nanocrystals above 2 µm », Nature Photonics 16, 38 (2021).

– A. Khalili, M. Weis, S. G. Mizrahi, A. Chu, T. H. Dang, C. Abadie, C. Gréboval, C. Dabard, Y. Prado, X. Z. Xu, E. Péronne, C. Livache, S. Ithurria, G. Patriarche, J. Ramade, G. Vincent, D. Boschetto, E. Lhuillier, « Guided-mode resonator coupled with nanocrystal intraband absorption », ACS Photonics 9, 985 (2022).

Personnes impliquées : Amélie Kies, Marie Cherasse, Mateusz Weis, Emmanuel Péronne et Davide Boschetto